Chiralité : des complexes moléculaires aux réseaux de coordination
La chiralité est un sujet toujours fascinant et elle est rencontrée dans divers domaines de la chimie moderne. Notre groupe possède une expertise internationale dans ce domaine, la chiralité en chimie de coordination constitue la pierre angulaire sur laquelle reposent nos activités de recherche. Nous avons depuis plusieurs années préparé une variété de structures chirales à partir d’assemblages mononucléaires et de coordination, y compris des réseaux chiraux. Ces composés présentent des propriétés intéressantes :
I- Ortho-méthylènequinones chiraux
Les ortho-méthylène quinones agissent comme des intermédiaires importants en synthèse organique ainsi que dans les processus chimiques et biologiques, mais les exemples d’espèces isolées sont rares en raison de leur forte réactivité. Nous avons décrit la synthèse, stabilisation et la réactivité des premiers complexes d’iridium et de rhodium de l’o-méthylènequinone. Ces composés subissent des réactions intéressantes de formation de liaisons C-C avec une variété d’alcènes et d’alcynes, ils présentent en outre une chiralité planaire, leur différenciation et leur dédoublement sont des objectifs stimulants, en particulier dans des réactions de couplage C-C asymétriques.
II- Complexes tétraédriques de rhodium et iridium énantiopurs avec NHC-naphthalimide (NHC = Carbènes N-hétérocyclique)
D’autre part nous avons mis au point une nouvelle approche qui permet d’obtenir une famille des complexes de rhodium et d’iridium tétraédriques iodés avec des carbènes N-hétérocyclique-naphthalimide. Remarquablement ces complexes sont obtenus sous forme de deux régioisomères renfermant des métallacycles à cinq et six chaînons. Ces complexes sont chiraux et présentent une stabilité configurationelle très élevée.
Nous avons étendu notre méthode de synthèse aux complexes analogues de rhodium afin d’étudier l’influence du métal sur leur stabilité configurationnelle en solution. Il est à noter que seul l’isomère à 6 chaînons complexe 4 a été obtenu (voir Figure ci-dessous). En collaboration avec le Dr. N. Vanthuyne (U. Marseille), nous avons dédoublé ces complexes et obtenu les complexes énantiopurs correspondants.
Détermination des barrières d’énantiomérisation de la stabilité configurationnelle
Pour évaluer la stabilité du complexe rhodium énantiopur. (R)-4 a été dissous dans de l’acétonitrile, chauffé à 60°C et ensuite analysé par HPLC chiral. Le complexe 4 reste stable en solution mais il subi une racémisation. Le suivi de l’excès énantiomérique au cours du temps a révélé une réaction de premier ordre propre et a permis de déterminer une barrière d’énantiomérisation de ΔG# = 115,9 kJ/mol. Le temps de demi-vie a été déterminé à 25°C en considérant une entropie d’énantiomérisation nulle, t1/2 =130 jours pour 4 à 25°C dans l’acétonitrile. Ainsi, le complexe énantiopur 4 peut être manipulé et évaporé sans aucun risque de perte d’énantiopureté. Des études similaires de cinétique de racémisation réalisées sur (S)-3 et (R)-2, ont permis d’obtenir des barrières d’énantiomérisation dans l’acétonitrile, respectivement ΔG# = 124,4 kJ/mol et ΔG# = 122,3 kJ/mol. Ces valeurs confirment la robustesse chimique de complexes d’iridium et ont permis d’estimer leurs temps de demi-vie à 25°C, à savoir t1/2 = 11 ans et t1/2 = 5 ans pour 3 et 4, respectivement. Ce résultat met en évidence le rôle de la taille du métallacycle à 5 chaînons versus à 6 chaînons.
III- Composés luminescents chiraux avec ligands organometalliques
Dans ce travail, nous avons conçu une nouvelle classe de complexes luminescents de platine présentant un ligand thioquinonoïde chiral. Remarquablement, la présence du ligand organométallique chiral contrôle l’agrégation de ces luminophores plans carrés et impose un arrangement homo- ou hétéro-chiral au niveau supramoléculaire via des interactions non covalentes Pt—Pt et π−π. Il est intéressant de noter que ces complexes sont des émetteurs dans le rouge à l’état cristallin, et leurs propriétés photophysiques peuvent être attribuées à leur agrégation à l’état solide (Collaboration Prof. V.W.W. Yam).
IV-Composés luminescents chiraux octaédriques avec ligands carbènes NHC-naphthalimide (NHC = Carbènes N-hétérocyclique).
Nous avons obtenu les versions énantiopures des composés Δ–3anBu, Λ–3anBu et Δ–4anBu, Λ–4anBu dans lesquelles un groupe n-butyle est maintenant attaché à l’azote de l’unité carbène afin d’augmenter la solubilité de ces complexes (Figure). À température ambiante, ils agissent comme des émetteurs dans les régions du rouge lointain et du proche infrarouge. Leurs propriétés optiques et chiroptiques ont été étudiées. De manière remarquable, la technique du dichroïsme circulaire vibrationnel (VCD) et les calculs TD-DFT nous ont permis de déterminer leur stéréochimie.
Ces résultats intéressants montrent qu’on peut obtenir des complexes possédants des propriétés croisées à savoir la luminescence et la chiralité.