Des chimistes du CNRS ont mis au point une méthode innovante pour transformer le limonène, un sous-produit de l’industrie des agrumes, en composés organiques à haute valeur ajoutée. Cette approche, qui fait la couverture du Journal of Organic Chemistry, est conduite avec économie d’étapes et ouvre la voie à une chimie plus verte et durable qui se passe de ressources fossiles.
La transformation du dioxyde de carbone (CO₂) en produits chimiques à plus haute valeur ajoutée, comme des carburants, est un défi majeur de la chimie verte. La molécule de CO2 étant très stable, cette transformation nécessite de l’Dans un contexte de transition écologique, remplacer les matériaux dérivés de ressources fossiles par des alternatives biosourcées, et en particulier issues de déchets de biomasse, devient une priorité. Le limonène est un composé abondant qui provient des déchets de l’industrie des jus de fruits et présente un grand intérêt pour les chimistes. Ce monoterpène possède plusieurs liaisons C-H activables, rendant possible sa transformation en molécules plus complexes et à haute valeur ajoutée. Cependant, le développement de méthodes durables et efficaces pour réaliser ces transformations reste un défi majeur dans le domaine de la chimie verte.
Dans une collaboration avec la Suisse et le Portugal, une équipe de chimistes du CNRS à l’Institut parisien de chimie moléculaire (CNRS/Sorbonne Université) a entrepris d’explorer une approche particulièrement novatrice de couplage direct entre les liaisons C-H du limonène et celles d’autres composés organiques pour le transformer. Pour ce faire, ils ont utilisé un catalyseur au palladium qui permet de déclencher efficacement une réaction entre le limonène et différents alcènes tels que les esters acryliques et les amides insaturés. Ce processus innovant permet de préparer des molécules à haute valeur ajoutée en peu d’étapes grâce à un procédé d’activation C-H. L’équipe a ainsi réussi à atteindre des rendements élevés de transformation du limonène par couplage direct de deux liaisons C-H, c’est-à-dire sans ajout préalable de groupements fonctionnels sur les molécules de départ. Cette découverte est complétée par un exemple de transformation d’un produit de couplage formé avec un alcyne reposant sur la catalyse micellaire, particulièrement utilisée en chimie verte car elle permet d’optimiser l’utilisation de petites quantités de catalyseur récupérées en fin de synthèse. La réaction, confinée dans des micelles, permet de concentrer les espèces réactives et optimiser leur rencontre.
Ce type de couplage ouvre des perspectives intéressantes pour l’industrie chimique. Non seulement il valorise un sous-produit abondant, mais réduit également la dépendance aux matières premières fossiles. À l’avenir, les chercheurs envisagent d’étendre cette méthodologie à d’autres terpènes et de l’appliquer à des procédés encore plus verts, utilisant de l’eau comme solvant. Le potentiel de cette technologie dans la production de nouveaux matériaux biosourcés est immense, notamment pour des applications dans les secteurs des parfums, des arômes et des produits pharmaceutiques. Une avancée qui fait la couverture du Journal of Organic Chemistry.
Référence
Marco Di Matteo, Anna Gagliardi, Alexandre Pradal, Luis F. Veiros, Fabrice Gallou & Giovanni Poli
Pd-Catalyzed C(sp2)−H/C(sp2)−H Coupling of Limonene
Journal of Organic Chemistry 2024
Contact : Alexandre Pradal